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Le combat du coq et de la tortue ou les mosaïques d’Aquilée.

Frioul-Vénétie Julienne Le combat du coq et de la tortue ou les mosaïques d’Aquilée.

Nous avançons émerveillés par les mosaïques qui pavent le sol de la basilique chrétienne d’Aquilée du 4ième siècle : quelques scènes bibliques comme la pêche miraculeuse, Jonas… quelques symboles chrétiens comme le bon pasteur, l’oiseau et la branche d’olivier… Nous écoutons discrètement une guide qui commente les mosaïques pour le groupe qui nous précède. Arrive l’histoire du combat entre un coq et une tortue ! L’attitude des protagonistes (une tortue sur la défensive et un coq avançant le bec ouvert et les plumes hérissées) confirme le combat. Entre les deux, une colonne porte le prix de la victoire un vase. La guide présente cette scène comme une représentation chrétienne classique dans laquelle le Coq symbolise le début de la journée c’est-à-dire la vie et la tortue représente la mort et les ténèbres. La scène représente la victoire de la vie sur les ténèbres.  Un peu plus loin, nous retrouvons cette scène de combat entre les deux animaux séparés à nouveau d’une colonne.

N’ayant jamais entendu parler de cette scène et ne l’ayant jamais vu, je reste dubitatif et craint, à tort, une invention de la guide pour nourrir son récit !

 

Quelle est l’origine de cette scène ? Avec un peu de recherche, on retrouve un livre de 1976 écrit à plusieurs mains aux éditions universitaires de Trieste sur les mosaïques d’Aquilée dont un chapitre sur ce combat par une certaine Elisabeth Jastrzebowska.

En résumé de ce chapitre :

  • Il semble que cette scène soit bien unique dans l’iconographie paléochrétienne quoique représentée deux fois à Aquilée. La mosaïque a été réalisée entre 308 et 319 après J.C..
  • La majorité de « savants » accepte cette interprétation pour illustrer le combat symbolique de la lumière contre les ténèbres, du bien contre le mal, du christianisme contre le paganisme, des catholiques contre les ariens.
  • Cette représentation se rapproche d’une scène où la tortue est surmontée par le coq, présente sur un autel consacré à Mithra en Slovénie. Tortue et coq seraient des animaux attributs de Mithra et symboliseraient respectivement les ténèbres et la lumière.
  • Dans la Gaule Romaine, de nombreuses représentations associent le coq et la tortue ensemble, comme compagnons de Mercure : Le coq est l’animal associé à Mercure. Quel lien entre la tortue et Mercure ? Dans la mythologie, la nymphe Chélone ayant refusé d’assister au mariage de Jupiter et Junon, est transformée en tortue et jeté au fond d’un fleuve (que l’on pourrait assimiler aux ténèbres ?). Reste que l’iconographie des monuments gallo-romain dédiés à Mercure permet de retrouver l’ensemble des éléments de la scène d’Aquilée : le coq et la tortue, la colonne, les enjeux de la lutte, le vase et la bourse.
  • En complément, on peut ajouter que dans la mythologie égyptienne, la tortue serait l’emblème de mort, de destruction et de ténèbres.

Elisabeth Jastrzebowska conclut que :

  • l’introduction dans cette scène de la tortue, liée auparavant au coq dans l’imagerie gallo-romaine courante, a pu être faite afin de souligner le caractère purement symbolique de la représentation de la scène du combat signifiant cette fois la lutte et la victoire du christianisme sur le paganisme.
  • cette représentation est unique et ne se retrouve jamais dans l’iconographie chrétienne plus tardive en raison de ses références trop païennes.

D’une certaine façon, nous serions en présence d’une tentative de récupération d’une symbolique païenne (comme beaucoup d’autres le bon berger, l’orante, le poisson, l’ancre, le phénix, la vigne,…) qui a échoué ou n’a pas été reprise.

Aquilée est une merveilleuse visite à deux pas de la Lagune de Grado et nous a donné une grande joie durant nos vacances.

 

Alain DEBLOCK

 

 

 

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