Que signifie la position des doigts de l’enfant Jésus dans l’iconographie chrétienne ?
Un héritage antique repris dans l'iconographie chrétienne
Florence et Toscane

La position des doigts dans les gestes de bénédiction, particulièrement ceux de l’Enfant Jésus, a une signification profondément symbolique qui puise dans des traditions anciennes à la fois chrétiennes et préchrétiennes. L’Enfant Jésus, les doigts formant une configuration précise, est un exemple parfait de la manière dont ces gestes ont été codifiés au fil du temps, tout en intégrant des influences culturelles diverses, notamment de l’art byzantin et romain.
Héritage romain et adaptation chrétienne
Le geste des doigts levés, avec l’index et le majeur tendus, a une origine laïque remontant à la Rome antique. C’était un geste utilisé par les orateurs et les empereurs lorsqu’ils s’adressaient à la foule, signifiant autorité et communication. Ce geste, repris dans l’iconographie chrétienne, signale donc non seulement une bénédiction, mais aussi que l’Enfant Jésus est en train de « parler » ou de communiquer avec ceux qui le regardent, affirmant ainsi son rôle de Verbe incarné.
La bénédiction latine et la bénédiction grecque :
- Le geste de bénédiction latine (benedictio latina) est caractérisé par le pouce, l’index et le majeur levés ensemble, symbolisant la Sainte Trinité (Père, Fils et Saint-Esprit). Les deux autres doigts sont repliés, représentant la double nature du Christ (divine et humaine). Cette forme est courante dans l’art occidental et est souvent associée aux représentations du Christ adulte, des saints et même de la Vierge Marie portant l’Enfant Jésus. La Vierge à l’enfant de Montserrat en est un très bon exemple.
- Le geste de bénédiction grecque (benedictio graeca), dans la tradition byzantine, adopte une configuration légèrement différente des doigts. Le pouce et l’annulaire se rejoignent, tandis que l’index et le majeur restent levés.
La position des doigts du petit Jésus respecte une iconographie très précise et très ancienne. L’index est droit et indique un I (iôta). Le majeur est un peu fléchi et sa courbe forme un C (sigma). Ces deux doigts forment les lettres grecques IC, l’abréviation de « Iesous ». Le pouce et l’annulaire se croisent comme un X et enfin l’auriculaire est courbé comme le majeur pour représenter le C. XC est l’abréviation de « Christos ».
Ainsi, la bénédiction ne se contente pas de symboliser la Trinité, mais elle incarne aussi le nom même du Christ par le positionnement spécifique des doigts.
Cette sculpture du XIIIe siècle de Giovanni Pisano respecte scrupuleusement les codes médiévaux de la bénédiction et de l’iconographie religieuse.
Réalisme et expressivité dans la sculpture de Giovanni Pisano
Malgré son ancrage médiéval, elle surprend par son réalisme et son expressivité, très éloignés des canons byzantins, anticipant ainsi certaines des révolutions esthétiques qui caractériseront la Renaissance. Cela illustre parfaitement la manière dont, même à une époque où les conventions étaient strictes, les artistes commençaient déjà à explorer des formes plus naturalistes et à intégrer des éléments de l’humanisme naissant.
En somme, le geste de bénédiction de l’Enfant Jésus dans l’art chrétien est un exemple fascinant de la manière dont la tradition et l’innovation s’entrelacent, enracinées dans des symbolismes religieux profonds tout en s’ouvrant à des influences extérieures comme l’Antiquité romaine et la culture byzantine.
Lire la suite sur les prémices de la Renaissance remarquables dans cette sculpture.
Alain Deblock