La visite d’Udine est l’occasion de (re)découvrir Jean-Baptiste Tiepolo peintre du 18ième siècle. Le cardinal Daniel Dolfin invite le jeune artiste pour décorer son palais épiscopal. Tiepolo signe ses premiers chefs d’œuvre qui le conduiront à une notoriété hors norme et propulseront sa carrière jusqu’en Autriche puis en Espagne. Tous les grands musées internationaux de New York à Melbourne s’enorgueillissent de l’exposer.
Notre visite commence par l’Oratoire de la Pureté dédiée à la Vierge Marie. Jean-Baptiste Tiepolo peintre accompli âgé de 63 ans réalise au plafond : une assomption de la vierge presque immaculée sur un ciel blanc et portée par des anges. Tiepolo a omis sa robe rouge. Seul le bleu de son voile souligne les mouvements. Les traits du dessin et les expressions font de Tiepolo un digne successeur de Véronèse. La composition est simple, claire et ordonnée. Bien que qualifié de peintre Rococo, cette assomption s’inscrit parfaitement dans le mouvement du classicisme dépouillé des excès du baroque et sans les artifices Rococo.
Sous le ciel peint par son père, Jean-Dominique Tiepolo propose une très belle série de fresques monochromes sur un ciel d’or représentant huit scènes de l’Ancien ou du Nouveau Testament et qui offrent une intimité propice au recueillement et un caractère décoratif très agréable qui s’accorde avec l’Assomption de la Vierge. Le monochrome plonge naturellement le regard dans la qualité des dessins pour notre plus grand plaisir.
Une trentaine d’année plus tôt, Jean-Baptiste Tiepolo réalise le jugement de Salomon dans le salon rouge, la chute des anges dans le grand escalier et la galerie des invités du palais épiscopal.
Une étonnante mise en scène de la Genèse décore la galerie des invités. Un premier cadre raconte Abraham et les anges. Le second cadre présente un triptyque : deux monochromes avec ciel d’or de chaque côté racontent respectivement le combat de Jacob et les retrouvailles de Jacob et de son frère ainé Esaü, et au centre, pétillant de couleurs, Rachel cache les idoles volées à son père Laban. Enfin Sarah et l’ange occupent le troisième cadre. Des niches en trompe l’œil, sont réservées aux prophétesses. Au plafond, Agar et Ismaël dans le désert, le sacrifice d’Isaac et le songe de Jacob. A contrario de la simplicité de l’oratoire de pureté, Tiepolo est bien ici le maître de l’art Rococo qui met en scène ses récits dans une décoration unique jouant à la fois du trompe-l’œil architectural, des jeux de cadres qui se succèdent comme une vague, des scènes vivantes de couleurs aux statues de travertin en trompe l’œil dans des niches puis aux dessins monochromes sur fond d’or. Les personnages, les visages, les drapés et les attitudes n’ont rien perdus de la Renaissance. Comble du jeu ou de l’orgueil, Tiepolo s’est mis à l’honneur en offrant aux héros du panneau central, Jacob, la belle Rachel et leur fils Joseph, les portraits de sa propre famille Tiepolo : lui, sa belle femme Cecilia et leur fils Jean-Dominique.
Heureusement, les autres musées d’Udine étaient fermés suivant une logique qui impose une expertise avertie pour organiser son voyage. Cela nous a permis une agréable promenade dans la ville, sur la place Matteotti, et celle de la Liberté pour laisser trainer ces images dans nos yeux, vivre ces sentiments et conserver en bouche le « gout unique d’un grand cru » « appellation contrôlée Tiepolo ».
Alain DEBLOCK