La villa Barbaro « comme définition de l’art »
Le langage des sentiments et des émotions
Vénétie
Dès que l’on arrive par la route en contrebas, le visiteur est attiré par la belle perspective de cette villa : une maison devance une ligne d’arcades qui se terminent de part et d’autres par les communs rehaussés d’élégantes façades à deux niveaux réduites au grès de volutes se terminant en tympan. Un très beau jeu de clair-obscur s’installe entre la façade, les arcades et les niches décorées de statues des communs.
Un sentiment d’harmonie envahit le visiteur et l’impatience s’accélère en s’approchant de la villa. On entre directement dans la maison de réception. Une pièce en forme de croix, couverte de fresques et des trompe-l’œil, dessert deux salons. Mais à nouveau la description laisse à la place aux sentiments qui explosent. Une impression de bien-être et de raffinement vous envahit comme si vous étiez l’invité de marque des lieux.
L’art du trompe-l’œil transforme les murs intérieurs en élégante façade de Vitruve, enrichie de niches occupées par des allégories musicales. Des personnages endimanchés du 16ième siècle franchissent une porte aussi fictive qu’eux. Un peu plus loin, un chien sort du mur. Mon regard est captivé par les allégories, leurs visages, leurs traits, leurs cheveux, leurs légers déhanchés, le drapé de leur vêtement… Leur dessin force l’émotion. Leur douce éloquence « trompe mon oreille » d’une musique ensorceleuse.
Dans les salons, la fête continue avec Baccus, Appolon et Vénus… L’auteur des fresques a su se limiter à l’essentiel, aucun académisme, aucune composition surchargée. Tout est en légèreté et délicatesse. Chaque personnage raconte à lui seul une histoire tout en composant un récit commun.
Dans la salle de bal ouverte sur le nymphée de la cour, le maitre des lieux Danièle Barbaro fait mettre à l’honneur son épouse et ses enfants. J’en déduis que Barbaro n’a pas choisi de se glorifier ou d’exhiber son faste et sa puissance à ses invités : peut-on y voir un témoignage d’amour familiale ? C’est indiscutablement un lieu à vivre et à savourer. Andrea Palladio et Paul Véronèse, ont mis toute leur sincère amitié pour Danièle Barbaro pour réaliser ce rêve. Cette villa transpire dans les moindres détails encore aujourd’hui, cet amour. On comprend ici que l’art est le langage des sentiments, des émotions, des sens et des intuitions. Véronèse et Palladio humanisent les visiteurs par la bonté qu’ils ont offerte à leur ami.
Alain DEBLOCK