« Comment la querelle des images témoigne d’une conception différente du Dieu entre l’Islam, le monophysisme et les christianismes, comme d’une pédagogie pragmatique ? »
Au temps de Jean Damascène (7° siècle), l’Islam rencontre un succès certain auprès des syriens mécontents de la férule byzantine. Cette nouvelle religion n’est pas très éloignée du monophysisme, doctrine christologique née dans l’effervescence intellectuelle des premiers siècles de la chrétienté qui ont connu de nombreuses hérésies. Les deux partent d’un même principe : Dieu ne pouvait devenir pleinement humain sans compromettre sa nature divine.
Extrait du livre « Dans l’ombre de Byzance » de William Dalrymple :
« Le passage le plus déterminant de La Source de Jean Damascène, n’est pas celui qui concerne l’Islam mais l’offensive qu’il livre contre l’hérésie iconoclaste. En effet, au moment même où Jean prend l’habit, Byzance est en pleine querelle des images. On ordonne la destruction de toutes les icônes de l’empire, et il est désormais interdit d’en peindre de nouvelles. Il est bien possible qu’à la racine du phénomène se trouve l’influence de l’Islam ainsi qu’un fort penchant pour l’introspection provoqué par la perte des territoires du Levant : pour beaucoup, Dieu aurait châtié les Byzantins idolâtres en accordant des succès guerriers aux musulmans iconoclastes. »
… Jean rédige une défense des images via un texte dans lequel il allume un contre feu théologique fondamental face à l’iconoclasme : certes, nul homme n’a jamais vu Dieu. Mais le Christ a daigné pendre forme humaine ; il faut donc révérer le visage humain de Dieu tel qu’il est représenté sur les icônes. En outre, le culte de celles-ci est non seulement fondé sur la raison mais, aussi ratifié par un précédent ancien :
« Les images sont les livres des illettrés. Elles instruisent muettement ceux qui les contemplent et sanctifient la vie. …Tous ne sachant pas lire, et tous n’ayant pas le loisir de lire, les pères de l’Église ont jugé bon que le Christ incarné soit représenté par des images, témoins de ses prouesses, pour servir de mémorial. Souvent, quand nous ne pensons pas à la passion de Notre Seigneur, en voyant l’image de la crucifixion nous sommes appelés à nous souvenir de cette salutaire passion, et alors nous tombons à genoux en vénération. … Si je n’ai pas de livres, je vais à l’église, aiguillonné par mes pensées comme par des épines ; la fleur des images attire mon regard, charme mes yeux au même titre que la prairie en fleurs et instille doucement la gloire de Dieu dans mon âme. »
Alain Deblock