Il existe une destination unique, privilégiée, protégée du tourisme de masse, qui évoque les récits puissants des civilisations disparues : le lac Nasser et les temples sauvés de la Nubie engloutie.
Seuls une dizaine de bateaux de croisière sont autorisés à naviguer sur cette immense retenue d’eau de 500 kilomètres de long, à cheval entre l’Égypte et le Soudan, créée par la construction du haut barrage d’Assouan et alimentée par les eaux du Nil.
La construction de ce barrage situé à 11 km au sud d’Assouan, ouvrage colossal épais de 980 mètres à la base, de 40 mètres au sommet et long de 3 600 mètres, fut décidée par le président Nasser pour réguler les eaux du Nil dans l’indifférence des trésors archéologiques qui allaient être recouverts par le lac artificiel. L’égyptologue Christiane Desroches-Noblecourt s’en émut et mena alors une campagne acharnée pour leur préservation qui conduisit l’Unesco à se lancer dans une opération gigantesque de sauvetage qui fut à l’origine de la notion de « patrimoine universel ». En vingt ans, six groupes de monuments furent démontés pierre par pierre, transportés et assemblés de nouveau sur d’autres sites. Ainsi, 22 des 24 temples furent sauvés des eaux.
La croisière sur le lac Nasser nous embarque dans un monde de silence, sur des eaux tranquilles au bleu profond entourées de rives désertiques aux ocres changeants. À 100 mètres sous nos pieds, une « Atlantide » nubienne. Autour de nous, un paysage infiniment dénudé. Au programme : se laisser vivre au rythme nonchalant de la croisière, découvrir depuis le large les colosses d’Abou Simbel dont on admire à loisir les variations harmoniques de pourpre et d’or, selon les heures du jour, rejoindre en bateau tous ces vestiges prestigieux que l’on visite dans une solitude privilégiée, les temples de Kalabchah, de Wadi el-Seboua (et son sphinx aux traits nubiens), d’Amada (déplacé en bloc par une équipe française pour ne pas endommager les magnifiques peintures) et les ruines de Kasr Ibrim, cité trois fois millénaire transformée en île par la montée des eaux …
Cette croisière conclut ou débute heureusement un voyage culturel sur les rives du Nil qui sera aussi l’occasion de découvrir le tout nouveau Grand Musée Égyptien (GME) du Caire, l’un des plus grands musées au monde consacré à une seule civilisation.
Madeleine Troude