< Retour

Blog > Infos destinations

Les graffitis de Saint-Zeno de Vérone

Des fresques du 13ième ou 14ième siècle blessées par la culture du graffiti

Vénétie

Les graffitis de Saint-Zeno de Vérone

Sur le mur de droite dans la basilique supérieure juste après les escaliers qui y conduisent, une très belle série de fresques du 13ième ou 14ième siècle a été taguées à volonté au fil des siècles. Les graffitis se résument souvent à une année et ont au moins l’intérêt de faciliter la datation. Parfois, elles se complètent d’une phrase rarement lisible et souvent en latin. Les tags n’ont blessé que le premier niveau de fresques c’est-à-dire à hauteur d’homme, préservant ainsi au niveau supérieur, les fresques de saint George, de la résurrection de Lazare et du baptême du Christ.

La douceur des fresques du second maitre de san Zeno rend encore plus incompréhensible cette attaque en règle de visiteurs anonymes !

Après la surprise puis l’indignation, mes yeux s’arrêtent sur les dates 1364, 1390, 1562, 1538, 1610, 1620, 1632, 1696, 1773, 1864, 1865, 1885 qui me plongent dans la richesse du temps : Combien de pèlerins comme nous, ont pu regarder ces fresques ? Combien d’histoire d’hommes et de femmes y apportant leurs fardeaux comme leurs joies ? Quelle abondance de vie ! J’essaie d’imaginer qui étaient mes prédécesseurs à chacune de ces dates : Comment étaient-ils habillés ? A quoi pensaient-ils en venant ici ? Je ne peux m’empêcher de penser aux sentiments qui les habitaient. Ainsi en 1538, un graffiti « nos destins se rejoindront en vain » répondait par anticipation à un autre pèlerin qui 1696, écrira « tu t’es éloigné de moi ».

Ces rayures insérées dans les fresques illustrent avec tristesse et précision, l’origine du mot graffiti qui vient du mot latin graphium, un stylet utilisé à Rome pour inscrire, et écrire, notamment dans la cire. On l’associe aussi au verbe grec graphein, qui veut dire écrire comme dessiner.

Suivant la définition du Larousse, le « tag » ou le graffiti tracé ou peint constitue un signe de reconnaissance. Wikipedia complète en précisant qu’ « un graffiti (ou un tag) est une inscription exécutée sur une surface publique, et constitue souvent une « destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui » et donc passible de condamnation.»

Comment comprendre les motivations qui ont poussé ces « graffeurs » à blesser ces fresques ?

Réactions à une solitude, hommage à des défunts, expression d’émotions. Les « graffeurs » avaient-ils conscience de leur incivilité ? Ils ont volontairement affirmé leur existence soit par ignorance du dommage, soit en profitant de l’œuvre pour y adjoindre leur nom et bénéficier d’une audience, soit enfin par rébellion : j’abime donc je suis ! Le but c’est de crier plus fort que soi, que ce que l’on peut faire par les voies usuelles !

Nul doute ce sont bien les germes de la culture du graffiti et du street art : exister !

 

Alain DEBLOCK