Une longue vie et un douloureux cheminement spirituel séparent la première et la dernière Pietà de Michel Ange.
En 1499, Michel Ange a 24 ans. Il exécute sa première Pietà (Rome, basilique Saint-Pierre) en moins d’un an. Comme il le fera toute sa vie, il choisit lui-même son bloc de marbre et se met au travail, seul. Il dit que la figure existe déjà dans la pierre et que sa tâche est de la faire advenir « Dans le marbre réside un enchantement magique. Le plus grand artiste ne peut trouver que ce qui est déjà dans le marbre ». Il ne le sait pas encore mais toute sa vie durant il travaillera seul. Peu d’assistants, toujours confinés dans des tâches subalternes, se démarquant en cela des pratiques de son temps.
La jeune foi de l’artiste se révèle dans la composition de son œuvre. Ici, tout est lisse, léché, esthétique. La Vierge, jeune, douce et belle soutient sur ses genoux dans un geste d’offrande un Christ qui semble dans l’abandon du sommeil. La Résurrection est déjà là, dans le corps lumineux et délicat. C’est une foi qui soulève les montagnes qui se donne à voir par cette Vierge athlétique portant avec tant d’aisance le Christ. Michel Ange partage l’idéal de la Renaissance pour laquelle la beauté humaine est inspirée par la perfection divine.
La Pietà Rondanini (Milan, Castello Sforzesco) est la dernière œuvre de Michel Ange sur laquelle il travaille jusqu’aux derniers jours de sa vie. Il meurt en 1564, à 88 ans. Plus rien de lisse ici. Au contraire, le procédé technique du non finito inventé par l’artiste ajouté à la rugosité et au flou volontaire des figures, à l’équilibre précaire du groupe, procure un sentiment de fin imminente, de lutte perdue. La Vierge, usée, fragile, tente de retenir un Christ mort, dont le corps lourd s’enfonce déjà dans la terre. Le monde retourne à l’informé malgré la résistance désespérée de Marie. Dieu s’absente.
Émouvante, douloureuse, l’œuvre interroge « Et maintenant ? »
A la veille de sa mort, tourmenté par la crainte du Jugement, avec ce doute qui s’impose de plus en plus souvent à mesure que l’heure vient du dernier souffle, celui que ses contemporains appellent « le divin » nous donne à voir le long parcours spirituel de toute une vie, d’une foi qui se cherche jusqu’au dernier instant.
Madeleine Troude