Tout mouvement est en réaction avec celui qui le précède. Ce qui vaut pour les idéologies vaut aussi pour l’art. Les Nabis, groupe de jeunes artistes de l’Académie Julian dont Pierre Bonnard, Maurice Denis et Paul Sérusier veulent se démarquer du naturalisme en vogue dans les années 1880. En ces débuts de l’ère industrielle qui s’accompagne de bruits et de fureurs, poussés par le désir de s’affranchir des institutions et un souci de renouvellement, ils cherchent à traduire la dimension cachée des choses et mènent une quête spirituelle esthétique par l’art. Ils se donnent un nom : Nabis, de « nébîîm » en hébreu qui signifie prophète.
L’exposition au Musée du Luxembourg a pour titre « Les Nabis et le décor » et, comme annoncé, elle se concentre sur le domaine du décor et des arts décoratifs.
La volonté des artistes d’apporter la beauté dans les intérieurs et d’enchanter la vie, de mettre l’aspect décoratif au centre de tout est en parfait accord avec leur réflexion théorique et leur recherche esthétique.
Ils s’attribuent les codes de l’art japonais, « premiers décorateurs du monde » selon le journaliste Louis Gonze, dont la découverte a provoqué un véritable choc dans le monde de l’art. Il faut dire que le Japon était resté fermé au monde et donc vierge de toute influence extérieure jusqu’en 1867.
Outre les ensembles de panneaux peints destinés à décorer les murs de bibliothèque ou de salle à manger, l’exposition fait découvrir de ravissants objets d’art (abat-jours, papiers peints, tapisseries, paravents, boîtes à cigares en marqueterie et ensembles d’assiettes).
Qu’on ne s’y trompe pas ! Si l’exposition est centrée sur les arts décoratifs, si l’aventure nabie ne s’est déroulée que pendant une courte période de dix ans, les recherches menées par ces artistes sur le rôle prépondérant de la couleur, sur la simplicité des formes et l’affranchissement de la perspective ont ouvert la voie à l’abstraction.
Madeleine Troude