
On pourrait également le nommer « l’hymne à Aton »
Ce poème, écrit il y a 3400 ans, mérite que l’on prenne le temps de le savourer et d’en goûter la sensibilité, l’amour de la vie, la beauté de la création, l’humanité universelle des hommes et des êtres vivants, l’intuition de Dieu… Les paraphrases ne pourraient que l’affaiblir, je vous encourage donc à le découvrir par vous-même.
« Tu apparais en beauté dans l’horizon du ciel,
Disque vivant, qui a inauguré la vie !
Sitôt tu es levé dans l’horizon oriental,
Que tu as empli chaque pays de ta perfection.
Tu es beau, grand, brillant, élevé au‑dessus de tout l’univers.
Tes rayons entourent les pays jusqu’à l’extrémité de tout ce que tu as créé.
Et tu les lies pour ton fils que tu aimes
Si éloigné sois‑tu, tes rayons touchent la terre.
Tu es devant nos yeux mais ta marche demeure inconnue.
Lorsque tu te couches dans l’horizon occidental,
L’univers est plongé dans les ténèbres et comme mort.
Les hommes dorment dans les chambres, la tête enveloppée,
Et aucun d’eux ne peut voir son frère.
Volerait‑on leurs biens qu’ils ont sous la tête,
Qu’ils ne s’en apercevraient pas !
Tous les lions sont sortis de leur antre,
Et tous les reptiles mordent.
Ce sont les ténèbres d’un four et le monde gît dans le silence.
C’est que leur créateur repose dans son horizon.
Mais à l’aube, dès que tu es levé à l’horizon,
Et que tu brilles, disque solaire dans la journée,
Tu chasses les ténèbres et tu émets tes rayons.
Alors le Double Pays est en fête,
L’humanité est éveillée et debout sur ses pieds ;
C’est toi qui les as fait lever ! Sitôt leur corps purifié, ils prennent leurs vêtements
Et leurs bras sont en adoration à ton lever.
L’univers entier se livre à son travail.
Chaque troupeau est satisfait de son herbe ;
Arbres et herbes verdissent ;
Les oiseaux qui s’envolent de leurs nids,
Leurs ailes éployées, sont en adoration devant ton être.
Toutes les bêtes se mettent à sauter sur leurs pattes.
Et tous ceux qui s’envolent et tous ceux qui se posent
Vivent, lorsque tu t’es levé pour eux.
Les bateaux descendent et remontent le courant.
Tout chemin est ouvert parce que tu es apparu.
Les poissons, à la surface du fleuve, bondissent vers ta face :
C’est que tes rayons pénètrent jusqu’au sein de la mer très verte.
C’est toi qui fais se développer les germes chez les femmes,
Toi qui crées la semence chez les hommes ;
Toi qui vivifies le fils dans le sein de sa mère,
Toi qui l’apaises avec ce qui fait cesser les larmes,
Toi, la nourrice de celui qui est encore dans le sein
Toi qui ne cesses de donner le souffle pour vivifier chacune de tes créatures.
Lorsqu’elle sort du sein pour respirer, au jour de sa naissance,
Tu ouvres sa bouche tout à fait et tu pourvois à son nécessaire.
Tandis que l’oiselet est dans son œuf et pépie déjà dans sa coquille,
Tu lui donnes le souffle à l’intérieur, pour le vivifier.
Tu as prescrit pour lui un temps fixe pour la briser de l’intérieur.
Il sort de l’œuf pour pépier, au temps fixé,
Et marche sur ses pattes aussitôt qu’il en est sorti.
Qu’elles sont nombreuses les choses que tu as créées,
Bien qu’elles soient cachées à nos yeux,
Ô Dieu unique qui n’a point son pareil !
Tu as créé l’univers selon ton désir,
Tandis que tu demeurais seul, hommes, troupeaux, bêtes sauvages,
Tout ce qui est sur terre et marche sur ses pattes,
Ce qui est dans les hauteurs et vole, ailes éployées,
Les pays de montagne : Syrie et Soudan
Et la plaine d’Égypte.
Tu as mis chaque homme à sa place et as pourvu à son nécessaire.
Chacun possède de quoi manger et le temps de sa vie est compté.
Les langues sont variées dans leurs expressions ;
Leurs caractères comme leurs couleurs sont distincts,
Puisque tu as distingué les étrangers.
Tu crées le Nil dans le monde inférieur
Et tu le fais venir à ta volonté pour faire vivre les Égyptiens,
Comme tu les as créés pour toi,
Toi, leur Seigneur à tous, qui prends tant de peine avec eux
Seigneur de l’univers entier, qui te lèves pour lui,
Disque du jour au prodigieux prestige !
Tout pays étranger, si loin soit‑il, tu le fais vivre aussi :
Tu as placé un Nil dans le ciel qui descende pour eux ;
Il forme les courants d’eau sur les montagnes comme la mer‑très‑verte,
Pour arroser leurs champs et leurs territoires.
Qu’ils sont efficients tes desseins, Seigneur de l’éternité !
Un Nil dans le ciel, c’est le don que tu as fait aux étrangers
Et à toute bête des montagnes qui marche sur ses pattes,
Tout comme le Nil qui vient du monde inférieur pour le Pays Aimé.
Tes rayons nourrissent la campagne.
Dès que tu brilles, les plantes vivent et poussent pour toi.
Tu fais les saisons pour développer tout ce que tu as créé
L’hiver pour les rafraîchir et l’ardeur pour qu’ils te goûtent.
Ayant fait le ciel lointain pour t’y lever
Et embrasser de la vue toute ta création,
Tu demeures dans ton unité,
Lorsque tu t’es levé en ta forme de disque vivant
Qui apparaît puis resplendit,
Qui est loin, mais demeure proche.
Tu ne cesses de tirer des millions de formes de toi‑même
En demeurant dans ton unité.
Villes, districts, champs, chemins, fleuves,
Tout œil te voit en face de lui,
Parce que tu es le disque du jour au‑dessus de l’univers.
Mais parce que tu es parti,
Plus aucun des êtres n’existe, que tu as créés
Pour ne te point contempler (uniquement toi‑même).
(Bien que) nul (ne te voie) de ceux que tu as créés,
Tu demeures pourtant dans mon cœur.
Il n’y en a point d’autre qui te connaisse.
Sinon ton fils Nebkheperourê Ouâenrê,
Car tu l’as informé de tes desseins et de ta puissance.
L’univers est venu à l’existence sur ta main, comme tu l’as créé.
Te lèves‑tu, il vit ; te couches‑tu, il meurt.
Tu es la durée de la vie elle‑même ; on vit de toi.
Les yeux ne cessent de fixer ta perfection jusqu’à ton coucher
On cesse tout travail, lorsque tu te couches à l’Occident.
Dès ton lever, tu fais croître (toute chose pour) le roi
Et la hâte s’empare de toute jambe
Depuis que tu as organisé l’univers,
Et que tu les as fait surgir
Pour ton fils, sorti de ta personne,
Le roi de Haute et Basse‑Égypte, vivant de vérité,
Le Seigneur du Double Pays, Neferkheperourê‑Ouâenrê,
Fils de Rê, vivant de vérité, Seigneur des couronnes, Akhenaton,
Que la durée de sa vie soit grande
Et sa grande épouse qu’il aime,
La dame du Double Pays, Neferneferouaton‑Nefertiti,
Puisse‑t‑elle vivre et rajeunir à jamais, éternellement ! »
Traduction de François Brousse
Photo : Akhenaton et Nefertiti au musée du Caire.
Alain DEBLOCK
Publié le 27/02/2024
Poème partiellement récité au son et lumière de Gizeh que nous avons suivi lors de notre voyage en famille et entre amis en Égypte.
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Découverte de l’Égypte :
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À propos d’Akhenaton :
- Akhenaton, en quelques lignes
- Akhenaton, l’inventeur du monothéisme
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